François Bayrou s'impose comme le grand perturbateur de la campagne
François Bayrou agace les uns et inquiète les autres. Il s'est brutalement immiscé dans une campagne des élections européennes qui manquait cruellement de débat. Quinze jours après la sortie de son brûlot contre Nicolas Sarkozy, Abus de pouvoir, le président du MoDem vient de gagner ses galons de premier opposant au chef de l'Etat. Un sondage réalisé par Opinionway pour Le Figaro-LCI (1 008 personnes représentatives interrogées entre les 14 et 15 mai) le place loin devant Olivier Besancenot, Martine Aubry, et Ségolène Royal, qui détenait le titre.
L'UMP s'inquiète aussi d'un tel scénario : face au Béarnais, Nicolas Sarkozy aurait bien du mal à trouver des réserves de voix. Dans l'entourage du chef de l'Etat, certains dénoncent l'erreur commise depuis deux ans : en pilonnant Ségolène Royal, en jouant sur les divisons du PS, l'Elysée aurait trop affaibli cet adversaire et favorisé la percée du président du MoDem. "Nous nous sommes trompés de cible. Il faut démonter la mystification démocratique que représente Bayrou", s'inquiète un ministre.
Faut-il y voir un lien de causalité ? Jeudi 14 mai, Jean-Pierre Raffarin, le vice-président du conseil national de l'UMP a proposé d'engager une réflexion sur un scrutin à un seul tour pour "toutes les élections, présidentielle comprise". "L'UMP et Nicolas Sarkozy savent qu'ils n'ont aucune réserve de voix pour un second tour. Ils sont à sec et cherchent une parade", dénoncent les responsables du MoDem.
"ZOMBIE"
Face à ce tir groupé, François Bayrou répond qu'il est dans son rôle. "Nous considérons, non pas qu'il y a un droit d'opposition, mais qu'il y a un devoir d'opposition quand l'essentiel est en jeu. Je dis aux socialistes que s'ils ont renoncé à s'opposer sur l'essentiel de la politique gouvernementale, nous pas", a-t-il expliqué à ses militants, à Montpellier, dimanche 17 mai, où il tenait une nouvelle convention sur le "modèle européen".
A ses côtés, l'ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, et le coprésident du Parti démocrate européen, ancien maire de Rome, Francesco Rutelli. Le président du MoDem refuse de distinguer le vote national du vote européen. "Nous n'avons jamais voulu construire l'Europe pour effacer la France." Il appelle les électeurs à un double vote sanction : contre Nicolas Sarkozy et contre José Manuel Barroso, le président en exercice de la Commission, qualifié de "zombie". Martine Aubry avait tenté sans succès de mobiliser autour de ce double non.
Mais le président du MoDem a tiré les leçons du passé : l'homme ne veut surtout pas s'enfermer dans son statut d'opposant. "Lors de la présidentielle, a-t-il confié, quand nous étions au plus haut dans les sondages, le PS et l'UMP ont martelé : "ils n'ont pas de programme". A l'époque, on était jeunes et on n'a pas su répondre assez vite. Aujourd'hui, c'est différent : nous allons envoyer notre programme dès cette semaine à tous les adhérents de notre formation, soit plus de 50 000 personnes. Et également aux dirigeants des autres partis politiques." Ses conseillers en sont convaincus, François Bayrou est en pleine "métamorphose".